2 décembre 2011

Dans le terrier du lapin blanc

Juan Pablo Villalobos
éditions Actes Sud, 12/2011


Orphelin de mère, Tochtli est un petit garçon comme les autres qui a pour papa un héros. Son héros travaille : il fait commerce de cocaïne, il est très riche - ses doigts sont couverts de bagues en or et en diamants, et très puissant - quand il reçoit des invités (crapules associées, prostituées, politiciens véreux …) on ne sait pas s’ils sont encore des gens ou déjà des cadavres. Comme tous les enfants, il aime jouer. Avec les mots, les chapeaux, les sabres. Et il excelle au jeu des questions / réponses. Quelqu’un annonce une quantité d’impacts dans une partie du corps et l’autre répond : “vivant, cadavre ou pronostic réservé”. Par exemple “trente balles dans l’ongle du petit orteil du pied gauche ?” : “vivant”. Entouré d’une “bande de mecs”, il ne quitte jamais le terrier. Il a un précepteur qui lui enseigne l’histoire et la géographie et lui transmet son obsession pour le Japon, le code d’honneur des samouraïs, et pour l’histoire de France. Tochtli aime beaucoup les Français, si délicats, qui enlèvent la couronne du roi avant de lui couper la tête pour éviter de la cabosser. Quand il manifeste l’envie de visiter un zoo, papa lui achète un lion et deux tigres.

Mais quand il s’agit d’un désir a priori impossible à assouvir, comme des hippopotames nains du Libéria en voie d’extinction ? On enfreint les règles de sécurité et on embarque pour une odyssée délirante et initiatique en direction de Monrovia. Papa peut tout. Rien ni personne ne lui résiste. Et cette omnipotence astronomique pèse lourd dans la construction de l’imaginaire de l’enfant, pour qui il n’existe aucune opposition entre le monde fantastique où tout est possible et le monde du réel. Mexicaniste jusqu’à l’absurde - les prénoms de tous les personnages comme l’enfant Tochtli : lapin, le père Yolcaut : serpent à sonnette, sont empruntés au dialecte náhuatl, la langue indigène la plus parlée au Mexique - l’auteur transpose cette violence prégnante dans d’autres cultures pour l’affilier à une longue tradition humaine. Il semblerait que toutes les civilisations comptent leurs coupeurs de têtes et qu’il ne soit pas si rare que les petits lapins se transforment en serpents à sonnette.

Juan Pablo Villalobos est né au Mexique en 1973. Il a fait des études de marketing et de littérature et vit à Barcelone. Dans le terrier du lapin blanc est son premier roman.

Source : Actes Sud